De l’Évolution de la médecine.
Pour comprendre le présent, qui n’existe pas ex nihilo, il est nécessaire de se tourner vers un passé, juste quelques années en arrière suffiront, disons les années 70 — 80 ; période où j’ai choisi trois quelques évolutions remarquables.
I — Quelques points de repères : 1 — Plagiant l’ouvrage de Marcel Gauchet le « désenchantement du monde «, après les années 70 je dirais que la pratique médicale se désacralise et se désenchante. Le pouvoir thérapeutique s’affirme, exit la pharmacopée de papa queue de cerise et aspirine, et telle Chimène, le médecin s’enivre de la longueur de ses ordonnances. A noter que c’est une voie sur laquelle les spécialistes ont pris garde de ne pas s’aventurer. Avec eux la parole reste rare (sacrée) et la pratique enchanteresse via la technique. Même la démocratisation de la relation reste contenue, la tenue de rigueur, et sans doute soucieux appliquer les leçons du structuralisme de F. Saussure à Triste Tropique, le tutoiement est banni, considérant que c’est l’espace , la distance qui crée du sens, aussi bien entre les mots, qu’entre les « homme” dans la relation thérapeutique.
2 — Le Sujet devient Individu, exit Freud, les TCC sont le Gold standart, le patient sort de sa « minorité “,libérée du carcan parternaliste au prix du poids de sa responsabilisation. (Voir « la fatigue d’être soi « d’Alain Ehrenberg). La relation médecin-patient, (médecin nouvellement dénommé prestataire de santé), s’appelle contrat thérapeutique, terme juridico-économique d’inspiration anglo-saxonne.
3 — Suite à la poussée démographique médicale des années 80, avec les visites à domicile pour constituer la patientèle, apparaît le discours des médecins surnuméraires. Lors de la convention des années 90 la Sécurité sociale brandit la menace du conventionnement sélectif, considérant qu’il y a 20 000 médecins de trop. D’où la mise en place début 2000 du MICA pour mettre à la retraite anticipée les médecins. Décision bien accueillie par l’ensemble des corps décisionnaires. Quelques années plus tard, guère plus, premiers couacs du discours démographique, les médecins de la Manche sur TF1 se plaignaient de ne pas trouver de successeur. Arrêt de l’accès au MICA, mais nous continuons à financer le MICA..
A noter que la plainte des MG au sujet d’un manque de médecins est une spécificité des généralistes ; D’une part je n’ai jamais vu une profession libérale souhaiter plus de concurrence, et d’autre part les spécialités dont on connaît au quotidien de notre pratique la difficulté d’accès, ophtalmo, anesthésistes, n’expriment guère cette plainte.. Lors d’un dîner avec un professeur universitaire d’ophtalmologie je lui faisais remarquer qu’il avait été possible par le biais de la CAMU d’enseigner à des MG les techniques de l’intubation, et que donc je m’ étonnais qu’on ne puisse pas le biais d’une capacité former des généralistes à la correction de la vision.
II — Pendant ce temps progressivement s’est mis en place, depuis les années 70, le monde post-moderne. Mais dans ce monde devenu fluide, et même pour Zygmunt Bauman « liquide », où va aller la médecine ?
a- Pour l’hôpital : vers les pathologies lourdes, le 100 %.
b - Pour la médecine spécialisée : Prenons l’exemple des ophtalmologistes. Dans le cadre juridique de la SEL (regroupement des compétences), l’un de mes confrères opthalmo ne traite que la cataracte, son associé la pathologie rétinienne, et le 3e les glaucomes.
Cet exemple est riche d’enseignement et de questionnement, car si une vie professionnelle réussie, tant sur le plan personnel que sur l’efficience, la compétence, passe par le Taylorisme des actes techniques, quel modèle de pratique professionnelle proposer pour la médecine générale qui par essence est intellectuelle et transversale.
c -Pour la médecine générale ? : C’est souvent en période de crise, que les masques tombent, que les équilibres instables s’écroulent ; ceci ne s’applique pas seulement au monde de l’industrie.
Plusieurs orientations possibles pour la MG, ce qui n’empêchera pas le mélange des genres :
&a — Un peu de salariat mais sous le statut de l’auto-entrepreneur : La SS donnant les objectifs, fixant la rémunération, le praticien auto-entrepreneur assumant ses charges sociales, sa formation, sa prévoyance. Les salariés portuguais, 5 millions, connaissent bien ce nouveau management. &b — Un peu de “ Gate Keeper” , mais sans les avantages financiers accordés aux médecins Anglais, et de toute façon les médecins Français ont refusé ce rôle.
&c — Un rôle d’amortisseur de la crise sociale :
Ce champ médico-social est large, et comme le désir de jouissance il est sans doute sans limite. Il suffira de contenir les rémunérations des prestataires de santé aux capacités financières de la nation.
Certes comme le rappel P. Arthus, directeur des études économiques chez Natixis, le parcours financier d’une carrière dans le social “ réservoir d’emplois ne pourra se comparer à celui fait dans l’industrie.
La féminisation de la médecine générale, en permettant le temps partiel, le statut de salaire complémentaire à celui du mari, sera - -elle un facteur favorisant l'expansion de ce champ d’expertise?
Ces remarques se veulent essentiellement analytiques et n’ont pas pour ambition de proposer une solution miracle, mais de nous inciter pour notre avenir de lever la tête du guidon, pour ne pas rencontrer le mur. |